Il y a des acteurs qu’on croise sans vraiment les remarquer. Et puis il y a ceux qui laissent une empreinte, parfois discrète, mais indélébile. Jake Gyllenhaal fait partie de ceux-là.
Depuis plus de vingt ans, il s’infiltre dans nos esprits avec des rôles troubles, souvent intenses, rarement lisses. Il ne joue pas à être aimé. Il préfère déranger, intriguer, parfois même mettre mal à l’aise. Et c’est justement ce qui le rend fascinant. On l’a vu ado perturbé, cow-boy amoureux, journaliste borderline, inspecteur obsessionnel... et à chaque fois, il parvient à nous surprendre.
Dans cette sélection, on a réuni neuf films où il ne triche pas. Des rôles qui montrent l’ampleur de son talent, de Donnie Darko à Night Call. Et quelques autres, plus discrets mais tout aussi brillants. Parce qu’on avait envie d’en parler. Et que, soyons honnêtes, c’était aussi un bon prétexte pour revoir tout Gyllenhaal.
Les meilleurs films avec Jake Gyllenhaal

Donnie Darko (2001)
Réal. : Richard Kelly
C’est par ce teen movie dystopique devenu culte que tout a vraiment commencé. Jake Gyllenhaal, 20 ans à peine, y campe un lycéen schizophrène confronté à des visions prémonitoires et à un lapin géant inquiétant. Un rôle vertigineux, entre lucidité et folie, dans un film qui brasse libre arbitre, paranoïa et apocalypse.
Souvent incompris à sa sortie, Donnie Darko est devenu un objet de culte absolu, notamment pour sa capacité à capturer l’angoisse adolescente dans une ambiance étrange et poétique. Gyllenhaal y est à la fois magnétique, vulnérable et troublant, confirmant un talent précoce.
Anecdote : Le film a failli ne jamais sortir après le 11 septembre 2001 (en raison de son crash d’avion en ouverture), mais il a fini par exploser grâce au bouche-à-oreille et au marché vidéo.

Brokeback Mountain (2005)
Réal. : Ang Lee
Un rôle qui a marqué à jamais l’histoire du cinéma. Dans ce sublime drame romantique, Jake Gyllenhaal incarne Jack Twist, un cow-boy homosexuel qui vit une histoire d’amour secrète et tragique avec Ennis Del Mar, joué par Heath Ledger. Leur alchimie crève l’écran, leur silence hurle et leur histoire bouleverse.
Le film, récompensé aux Oscars, a permis à Gyllenhaal de s’imposer comme un acteur capable d’émotion brute, loin des stéréotypes hollywoodiens. Sa relation artistique et humaine avec Heath Ledger est souvent citée comme l’une des plus fortes de sa carrière.
Anecdote : Gyllenhaal a déclaré que Ledger l’avait toujours protégé face aux moqueries homophobes post-tournage. Leur respect mutuel a traversé les années. Une amitié aussi forte que leur duo à l’écran.

Zodiac (2007)
Réal. : David Fincher
Un thriller obsédant sur le tueur du Zodiac qui a semé la terreur à San Francisco dans les années 70. Jake Gyllenhaal y joue Robert Graysmith, un dessinateur du San Francisco Chronicle qui va peu à peu sombrer dans l’obsession de résoudre l’affaire.
Face à Mark Ruffalo et Robert Downey Jr., il s’impose par une sobriété glaçante. Sous la caméra de Fincher, Gyllenhaal livre une performance tendue, millimétrée, pleine de fêlures.
Anecdote : Le perfectionnisme de Fincher l’a poussé à refaire certaines scènes… plus de 70 fois. Gyllenhaal en est ressorti frustré mais grandi, apprenant selon lui « la patience et la rigueur ultime ».

End of Watch (2012)
Réal. : David Ayer
L’un de ses rôles les plus humains. En flic de Los Angeles filmé en found footage, il partage l’affiche avec Michael Peña dans un duo qui déborde d'authenticité. End of Watch frappe fort grâce à un mélange de caméras embarquées, de tension de rue et de dialogues ultra-réalistes.
Le film évite les clichés du film policier pour explorer la camaraderie, la peur et l’injustice. Jake Gyllenhaal a passé des mois avec de vrais officiers pour préparer ce rôle, adoptant leurs gestes, leur langage, leur rythme.
Transformation : Il s’est rasé le crâne pour incarner Brian Taylor, apprenant même des techniques de self-defense de terrain avec la police de L.A.

Enemy (2013)
Réal. : Denis Villeneuve
Film le plus étrange (et le plus analysé sur Reddit) de sa carrière. Dans ce thriller psychologique tordu, Gyllenhaal incarne deux hommes identiques, pris dans un jeu de miroirs kafkaïen. C’est à la fois dérangeant, métaphysique, obsédant.
Villeneuve et Gyllenhaal y entament leur collaboration fructueuse (ils tourneront ensemble Prisoners la même année), explorant ensemble les zones grises de l'identité.
Anecdote : Le dernier plan du film (une araignée géante) a divisé les critiques. Pour Gyllenhaal, c’était une métaphore de la peur de l’engagement. Un film à décortiquer... puis revoir.

Prisoners (2013)
Réal. : Denis Villeneuve
Un thriller noir et viscéral, dans lequel Jake Gyllenhaal brille dans un rôle de flic méthodique au bord de la rupture. Il incarne le détective Loki, chargé d’enquêter sur la disparition de deux fillettes. Face à lui : Hugh Jackman, père dévasté prêt à tout.
Gyllenhaal compose un personnage fascinant : précis, nerveux, marqué physiquement par des tics (clignements d’yeux, tatouages visibles), comme un homme rongé de l’intérieur. C’est l’une de ses performances les plus habitées, tout en tension contenue.
Anecdote : Gyllenhaal a proposé lui-même certains détails du personnage, dont ses gestes compulsifs et son regard fuyant. Une construction organique, saluée par la critique comme un sommet de justesse.

Night Call (Nightcrawler, 2014)
Réal. : Dan Gilroy
Le rôle qui a confirmé que Jake Gyllenhaal n’avait peur de rien. Il y joue Lou Bloom, un sociopathe en quête de gloire dans le journalisme sensationnaliste. Il filme les accidents de nuit à Los Angeles et vend ses images aux chaînes TV. Plus c’est sordide, mieux c’est.
Physiquement métamorphosé (amaigri, cernes creusées, regard halluciné), Gyllenhaal livre une performance glaciale et dérangeante. Un anti-héros glaçant, captivant, qui rappelle Travis Bickle (Taxi Driver). Le film, d’une noirceur brillante, est devenu instantanément culte.
Transformation physique : L’acteur a perdu près de 10 kilos pour le rôle, limitant son alimentation au minimum et courant le soir pour garder une allure nerveuse et affamée.

Nocturnal Animals (2016)
Réal. : Tom Ford
Un drame psychologique aussi stylisé que cruel, signé par Tom Ford, le créateur de mode devenu cinéaste. Jake Gyllenhaal y incarne à la fois un écrivain blessé par la vie et le héros fictif d’un roman violent qu’il envoie à son ex-femme (Amy Adams). Deux récits s’entrelacent : l’un, feutré et émotionnel, l’autre, brut et sanglant.
Gyllenhaal jongle entre les deux versions de son personnage à la fois vulnérable, brisé et plein de colère rentrée. Le film questionne le deuil, la culpabilité, l’abandon amoureux. Esthétique glaciale, narration en abîme, tension psychologique... c’est une œuvre exigeante et bouleversante.
Anecdote : Présenté à la Mostra de Venise, le film remporte le Lion d’argent du Grand Prix du jury. Michael Shannon sera nommé à l’Oscar du Meilleur second rôle, tandis que Gyllenhaal est acclamé pour sa double performance. Un film parfois méconnu, mais qui mérite d'être vu.
Acheter ce filmBonus : 3 autres films avec Jake Gyllenhaal qui valent le coup d'œil
Spider-Man: Far From Home (2019)
Réal. : Jon Watts
Dans ce blockbuster Marvel, il incarne Mysterio, illusionniste manipulateur venu défier Peter Parker. Même dans un rôle de divertissement, Gyllenhaal ajoute une couche de trouble et de mystère.
La Rage au ventre (2015)
Réal. : Antoine Fuqua
Pour ce rôle de boxeur déchu, il a pris plus de 10 kilos de muscle. Sa transformation physique impressionne autant que son jeu, tout en rage, tendresse et désespoir. Un drame sportif ultra-intense.
Source Code (2011)
Réal. : Duncan Jones
Un thriller de science-fiction nerveux, entre boucle temporelle et bombe dans un train. Gyllenhaal y impose une intensité émotionnelle rare dans un cadre high concept.
Brokeback Mountain : Heath Ledger, une rencontre au sommet
Il y a des films qui marquent une carrière. Et puis il y a Brokeback Mountain. Sorti en 2005, le chef-d'œuvre d’Ang Lee a non seulement bouleversé le public, mais il a aussi scellé la légitimité artistique de Jake Gyllenhaal. Son interprétation de Jack Twist, cow-boy libre et amoureux en secret, est d’une justesse poignante, tout en regards blessés, en élans contenus.
Mais ce qui transcende le film, c’est la relation qu’il forme à l’écran avec Ennis Del Mar, incarné par Heath Ledger. Leur alchimie est palpable, charnelle, douloureuse. Rarement un amour interdit n’a été filmé avec autant de pudeur et de violence retenue.
Dans la vie, Gyllenhaal et Ledger se sont liés d’une forte amitié. Lors de la promotion du film, Ledger n’hésitait pas à répondre sèchement aux blagues homophobes, protégeant son partenaire avec un respect admirable. Gyllenhaal a souvent évoqué l’importance de cette relation, et l’impact que la mort prématurée de Ledger a eu sur lui. « C’est quelqu’un qui m’a beaucoup appris sur l’engagement », confiera-t-il plus tard.
En conclusion...
Il n’a jamais été l’acteur le plus exposé, ni celui qu’on voit sur toutes les couvertures. Mais depuis plus de vingt ans, Jake Gyllenhaal construit une filmographie admirable. Pas un parcours lisse ; plutôt une trajectoire en zigzag, toujours à la frontière entre le cinéma populaire et l’exploration de l'intime.
On aime ses silences autant que ses accès de rage. Ses regards vides, ses gestes trop rapides, ses rôles qui ressemblent à des vertiges. Et si certains films nous laissent sonnés, c’est sûrement parce qu’on y reconnaît quelque chose de profondément humain, même (ou surtout) dans les moments malaise.
Alors oui, il mérite bien cet article. Et une place à part dans notre cinéma mental !
Jake Gyllenhaal : tout ce qu’on doit savoir (avant de le défendre en soirée)
Grande question, débats infinis. Pour les puristes : Night Call. Pour les traumatisés du Zodiac : Prisoners ou Zodiac. Pour les romantiques queer-friendly : Brokeback Mountain. Et pour les nostalgiques du lycée : Donnie Darko. Faites votre choix, on ne juge pas (ou presque).